lundi 6 juillet 2009

Motifs de marquoirs : La lutte contre l'esclavage

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Nous l'avons déjà répété de nombreuses fois, nous ne savons pas d'où venaient les motifs des marquoirs, ni à quoi ils servaient, s'ils avaient une quelconque utilité.
Lorsqu'on les retrouve c'est sur des pinballs (pique-aiguilles... si vous connaissez un terme plus approprié en français, merci de m'aider...) tricotés en fil de soie.
On donnait ces petits souvenirs aux prisonniers quakers (condamnés par exemple pour avoir refusé de payer les impôts), pour leur montrer qu'ils n'étaient pas oubliés. Ils ont aussi servi à attirer l'attention sur des causes particulières, et notamment sur le mouvement anti-esclavagiste.

En 1787, Josiah Wedgwood, fondateur de l'entreprise de porcelaine et de faïence bien connue qui existe encore aujourd'hui, (il sera aussi, mais c'est purement anecdotique, le grand-père de l'épouse de Darwin!) devint l'un des membres dirigeants de la Société pour l'Abolition de la Traite des Esclaves. Il fit dessiner dans ses usines un médaillon représentant le symbole de l'association, un esclage enchaîné et agenouillé, avec ces mots "Ne suis-je pas ton frère?" qu'il distribua à ses frais. Ces médaillons remportèrent un grand succès, on les portait en broches, en colliers, les hommes les accrochaient à leurs chapeaux, on les retrouve aussi sur des boîtes de tabac à priser... C'est l'un des premiers exemples d'objets à la mode et servant à la défense d'une cause humanitaire!
(Vous pouvez "visiter" ici le musée Wedgwood, situé près de Stoke-on-Trent, dans les Midlands, même si vous ne comprenez pas l'anglais, les photos sont un régal pour les yeux!)

La Société des Amis (c'est le nom véritable que se donnaient les Quakers) fut dès l'origine partie prenante de ce combat, et les femmes formèrent même leurs propres associations militantes.

Au musée du Château d'York, on trouve un étrange pinball, qui n'est pas tricoté, mais imprimé sur de la soie. L'une de ses faces présente le même motif de l'esclave agenouillé. L'autre côté reproduit la copie d'une annonce parue dans la Gazette Royale de la Jamaïque du 1er août 1827 et qui concerne la vente d'un enfant esclave. Cette annonce, rédigée par Joseph Delpratt, C.C., disait : "Prenez bonne note que mercredi prochain, 8 août , je mettrai en vente à la taverne de Melle Whately à la Baie de Yallah, une enfant nègre âgée de 7 ans environ, appelée Jane, ou Jane Delpratt (les esclaves portaient le nom de leur maître), pour payer les dettes de mon domaine de Mont Sinaï". Au-dessous sont les mots : "Dieu des pauvres! les pauvres et malheureux esclaves! Bienfaiteurs, et Seigneur de liberté, aidez les esclaves. Heber."

Il n'est donc pas si étonnant, finalement, que l'on retrouve ce motif sur deux marquoirs d'Ackworth également conservés au Musée du Château de York.

Le premier porte le nom de Stickney, et l'inscription "Paix à mes amis - 1832".
Beaucoup d'enfants de la famille Stickney fréquentèrent Ackworth, qui conserve de nombreux objets ayant appartenus à une Mary Stickney, qui y fut d'abord élève de 1824 à 1827, puis y revint en tant qu'enseigante de 1842 à 1844 (et y fut très populaire, si l'on en croit les nombreux marque-pages et témoignages d'affection brodés que lui ont offert ses élèves).
On attribue ce marquoir inachevé à sa jeune soeur Jane, qui entra à l'école en 1829 et y mourut lors d'une de ces épidémies de "fièvre inflammatoire" qui ont frappé Ackworth à cette époque. Elle est d'ailleurs enterrée au cimetière quaker du village.

Le second marquoir est encore plus incomplet que le précédent, et il est facile de ne pas remarquer l'image de l'esclave qui se trouve tout en bas à droite, dans un cadre, et est brodée, de manière surprenante, à l'envers des autres motifs et en rose pâle, teinte maintenant très fanée. Les motifs du cygne, et l'inscription "PP à MM 1834" ne sont pas placés dans des octogones, ou des couronnes de fleurs, mais dans de simples rectangles.
Ce marquoir pose d'ailleurs une autre question, car il semble avoir été réalisé à deux époques différentes. Il porte en effet l'inscription "Ne m'oubliez pas 1845" brodée en lilas clair, et une couronne avec "A token of love 184?" bordée en brun-vert foncé, comme le reste du marquoir, mais avec le 4 en rose clair. Peut-être une seconde fillette a-t-elle utilisé un marquoir resté inachevé. Le motif de l'esclave a-t-il dans ce cas été brodé bien plus tard, après l'abolition de l'esclavage, qui date de 1833 dans les colonies britanniques?
Il est intéressant de noter qu'en 1834, se tint à Ackworth un grand gala "En Commémoration de l'Emancipation des Esclaves dans les Colonies Britanniques". Les galas ne faisant pas véritablement partie des traditions de l'école, on peut penser qu'il reflète la profonde implication des quakers dans ce combat.

Si ce motif vous intéresse, Vous pouvez le télécharger sur le site de Needleprint.
N'oubliez pas de cliquer sur les illustrations pour en voir les détails.

Article librement inspiré de divers articles publiés par Jacqueline Holdsworth sur son blog, du livre de Carol Humphrey "Quaker School Girl Samplers from Ackworth", ainsi que de la biographie de Josiah Wedgwood que j'ai trouvée sur le site du musée.

1 commentaire:

  1. Je ne connaissais pas du tout ce motif !!!! Merci pour les explications et le lien pour les grilles !
    bonne soirée

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