vendredi 5 juin 2009

Et Jacqueline Holdsworth, c'est qui???


Il était une fois une dame anglaise, passionnée de vieux marquoirs.....
Un beau jour de 2004, elle se porte volontaire pour aider l'école d'Ackworth qui posséde une collection de marquoirs dont personne à l'époque ne se préoccupe - elle est entreposée dans les caves, et quelques pièces viennent d'être volées. Elle inventorie donc la collection, la photographie, et se dit qu'il serait intéressant d'en faire un livre, et de récolter des fonds en le commercialisant pour le compte de l'école.
Elle fait alors appel à son amie Carol Humphrey, responsable du département Textiles du Fitzwilliam Museum de Cambridge. En décembre 2006, le livre est écrit, il ne reste plus qu'à trouver.... un éditeur.
Aucun ne jugeant l'opération suffisamment rentable, Jacqueline décide de le publier elle-même (élémentaire, mon cher Watson!), investissant ses fonds propres et mobilisant ses connaissances. C'est ainsi que naît Needleprint qui va aussi commercialiser les grilles des marquoirs de l'école.

Avec la collaboration de l'intendant d'Ackworth se met alors en place une stratégie de communication, les reproductions étant éditées au compte-goutte, parce que comme le dit Jacqueline, "C'est comme pour l'OPEP, la ressource est limitée"!
En deux ans, de 2006 à 2008, 20.000£ ont ainsi été récoltées.... mais ce ne peut être qu'un début : l'école possède plus de 100 marquoirs, et la conservation d'un seul d'entre eux coûte environ 2.000£. Il y a aussi le projet de ramener à l'école des marquoirs qui ça et là apparaissent sur le marché. (Je vous raconterai aussi l'histoire de Sarah Moon)
Mais pour que le courant ne se tarisse pas, il faut sans cesse inventer de nouvelles opérations de marketing: stages à Ackworth, publication d'autres livres sur l'histoire de la broderie.... bref porter à la connaissance d'un public qui se développe, des oeuvres qui ne seraient pas rentables dans les circuits de distribution ordinaires.
Il peut être utile de préciser que Jacqueline n'a pas acheté une licence à l'école d'Ackworth, et qu'elle ne commercialise rien pour son propre profit.

Et maintenant voici la suite :

L'an passé, le nouveau projet était de commercialiser la grille de Mary Wigham, qui est un marquoir intéressant, puisque c'est le plus ancien connu des marquoirs d'Ackworth, et aussi le tout premier des marquoirs présentant ces médaillons qui caractérisent les ouvrages quaker. Mais Needleprint s'est fait griller par une personne qui a recopié la grille à partir d'une photo, l'a commercialisée pour son compte, et a refusé tout arrangement avec Ackworth.

Cela a créé un petit buzz dans le petit monde des brodeuses outre-atlantique, peut-être en avez-vous entendu les échos. Et naturellement il n'y avait aucun recours juridique, car s'agissant de pièces aussi anciennes, il n'y a plus de droits d'auteurs, ni de notion de propriété. (Ce qui explique d'ailleurs que les musées -surtout les musées privés - soient si réticents à autoriser les photos, puisqu'ensuite l'oeuvre peut être copiée, recopiée, les reproductions revendues, sans qu'ils puissent en tirer la moindre ressource alors qu'ils assument toutes les dépenses. )

Si vous avez l'habitude de broder des reproductions d'oeuvres anciennes, vous avez probablement remarqué que sur les unes la personne qui a recopié le marquoir indique qu'elle a obtenu l'accord du musée, ou du propriétaire particulier (ce qui en général signifie qu'une redevance est versée d'un commun accord), et les reproductions qui mentionnent (je cite avec exactitude) "ceci est une réplique d'un marquoir de l'école d'Ackworth. La grille est basée - avec quelques petites différences de composition et de couleur - sur le marquoir présenté dans le livre de Carol Humphrey: Marquoirs, Cambridge 1997". Les deux sont légales.

Je sais qu'ici où là, on a critiqué l'intransigeance de Jacqueline dans ce qui semblait un simple conflit d'intérêts. Moi, je me mets à sa place, elle qui se bat bec et ongle pour "ses" marquoirs!

Depuis le 1er juin, vous assistez à sa réponse. Puisqu'il ne pouvait y avoir deux sociétés commercialisant le même modèle (après tout, nous brodeuses, ne sommes pas franchement majoritaires), elle a décidé que le travail réalisé l'an dernier ne serait pas totalement perdu, et qu'elle allait offrir le modèle gratuitement. Ça aussi, c'est légal.

Et ce sont les brodeuses dans les différents sites US qui ont demandé que soit mise en place la possibilité d'une donation, pour apporter leur soutien au travail de conservation réalisé dans le cadre de l'école d'Ackworth.

Personnellement, je forme tous mes voeux pour que cette opération apporte dans les caisses d'Ackworth les sommes qui y seraient entrées si la grille avait été commercialisée.


2 commentaires:

  1. Merci pour ce texte!! Ces explications
    sont tres utiles pour comprendre tout
    l'historique encore merci Amities Claude

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  2. Merci Paule pour ces précisions.

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