Le travail de copiste

Copier les marquoirs de l'école d'Ackworth est toujours une gageure. Le tissage est irrégulier - et pas de façon régulière! Les fils sont usés et varient en épaisseur et en coloris non seulement parce qu'ils ont fané, mais parce que parfois il y a des différences de bains, et parfois des variations dans la façon dont les soies ont été teintes. Il est difficile de trouver des correspondances avec des fils unis. Les couleurs des médaillons de l'école d'Ackworth sont étonnamment vives, et pas toujours ce que l'on considère comme des "couleurs quaker" ni même "harmonieuses", de sorte que parfois le résultat peut être surprenant! Donc, si dans la palette il y a des couleurs qui ne vous plaisent pas, je dirais, ne vous gênez pas, choisissez une autre couleur!
Les points aussi sont brodés de façon parfois aléatoire - cela ne se remarque pas tellement sur les photos, parce que les points sont petits, et qu'à distance ils paraissent plus soignés qu'ils ne le sont vus de près! Personne n'a visiblement inculqué aux fillettes d'Ackworth qu'elles devaient faire leur croix toutes dans le même sens. En fait, selon moi, l'une des beautés de ces marquoirs, est précisément cette apparence irrégulière, parce qu'elle crée une texture plus intéressante et dégradée, qui prend la lumière et en est comme animée.
Mary Wigham a été un plus grand défi que d'autres marquoirs de la collection parce qu'une partie de sa surface a vieilli et qu'il y a d'intéressants motifs résiduels que je vous décrirait plus en détail lorsque nous y arriverons. On ne peut pas clairement s'en rendre compte d'après les photos.
Des erreurs - il y en a toujours quelques-unes, et il se pourrait que nous en ajoutions d'autres, mais nous travaillons dur à nous assurer que notre copie est aussi fidèle que possible. Toutefois, il ne peut manquer d'y avoir un certain degré de compromis, parce que certains points sont écrasés sur les bords du motif voisin, et parfois recouverts, ou les fils sont tirés, et la toile déformée.
Les fillettes faisaient des erreurs, et bien des motifs symétriques ne le sont pas vraiment, car au cours de leur travail, elles compensaient leurs erreurs. Certains points manquent, d'autres ont été de toute évidence oubliés, parfois c'est un point qui s'est défait ou des parties entières qui se sont décousues. Peut-être pouvez-vous maintenant saisir certains des dilemmes auxquels je me trouve confrontée face à un graphique. Pour moi, une grille, c'est comme une traduction. J'apprends énormément sur la manière de la brodeuse, au fur et à mesure que j'inspecte chaque point et que je le place sur mon quadrillage. Je me demande parfois pourquoi certains points semblent aussi lâches, et d'autres plus soignés, et pourquoi certaines zones semblent si surchargées. La broderie n'est jamais simplement binaire. Imaginez par exemple un pianiste. Ses doigts frappent les touches, et il y a une durée, un toucher plus ou moins appuyé, son art ne peut se résumer à une simple question de différence entre son et absence de son. Il en va de même avec la broderie - ce n'est jamais uniquement, comme cela apparaît sur la grille, la présence ou l'absence d'un point. C'est infiniment plus riche et plus varié que cela. De la même façon que votre marquoir va refléter vos moments de paix, vos moments d'anxiété, les points interrompus. Parfois il m'arrive de voir une broderie moderne très belle, travaillée à la perfection, et qui pourtant semble presque morte. Sa perfection absolue est comme un visage sans rides....
Il me tarde de voir vos Mary Wigham!

Jacqueline Holdsworth.

Les illustrations présentent (en haut) l'envers du marquoir de Sarah Moon (1791), et (les deux suivantes) le marquoir de Maria Pumphrey (1823). Elles sont tirées du livre de Carol Humphrey "Quaker School Girls Samplers from Ackworth" paru en 2006.